"Sucre et verre"

Revaloriser une histoire oubliée.

 

Marie Peyrafort

 


" Tout commence, par hasard, un jour de septembre 2015, tandis que je feuillette les pages d’un ouvrage sur le sucre. Cachée, au milieu d’une multitude d’anecdotes, une phrase m’interpelle …
« À l’origine l’art du sucre et l’art verrier étaient mêlés ». Le confiseur serait-il verrier et confiseur ? Surprenant n’est-ce pas ! Pourquoi personne ne nous en a jamais conté l’histoire ? Tout comme moi, je pense que vous ne soupçonniez, en aucun cas, cette analogie. Cette découverte fortuite, d’un point commun historique, entre sucre et verre m’intrigue. J’ai donc fouiné, enquêté, fouillé et farfouillé, dans les ouvrages historiques, les ateliers des verriers et des confiseurs afin de retrouver une trace de cet oubli. Et je me suis posée la question suivante : Comment faire revivre cette découverte et la valoriser, lui redonner sa valeur perdue ? Mais avant laissez-moi donc, vous raconter, cette histoire oubliée… 

Tout débute dans le bassin méditerranéen, il y a de nombreux millénaires. Mais, c’est à Murano, en Italie, berceau du verre et du cristal, que ces deux matières trouvent leurs origines communes dès la fin du XVe siècle.            
Pour autant, c’est à Venise que le verre et le sucre connaissent un essor considérable, en particulier, grâce aux arts de la table. L’art du sucre se développe alors dans le sillage de l’art du verre. Les tables des plus riches s’ornent de nombreux nouveaux apprêts, notamment d’une multitude d’objets de table, à vocation éphémère : des statues et objets de sucre, du même aspect que le verre, translucides ou opaques, nommés Trionfi. Le sucre a alors valeur d’apparat.  
Mais de leur faste commun d’antan, il ne reste aujourd’hui qu’un lointain souvenir. Sucre et verre se sont dissociés, petit à petit. Leurs chemins se sont fractionnés et de cet héritage, il ne reste que quelques techniques communes comme le soufflage, le coulage, le moulage ou encore l’estampage. Certains gestes restent similaires pour la fabrication de la pâte, le cueillage de la matière… 
Ainsi avec l’industrialisation, le sucre est le verre se sont banalisés. En tant que designer, il me semble intéressant de recréer ce lien verre-sucre, pour redonner au sucre des qualités plastiques aujourd’hui moins courantes et quelques peu délaissées : une matière cristal, translucide, qui diffuse la lumière à l’instar du verre.  

 

Comment, par le design, réunir à nouveaux ces deux corps de métiers ? Une collaboration est-elle possible aujourd’hui entre confiseur et verrier ? Comment l’envisager ? Je propose de créer un pont entre ces deux savoir-faire afin de mettre en évidence et d’interroger les transferts possibles aux deux techniques pour produire de nouveaux objets de sucre. Mais quels usages singuliers peuvent donc naître de cette ré-association, sucre/verre ? 
Le sucre devient banquet afin de témoigner son origine oubliée. Mais pas n’importe quel banquet,  une expérience totale sur la durée d’un repas où préoccupations historiques, techniques et gustativesentrent en jeu. 
Opercule sucrée à casser, amuse-bouche à picorer, huilier à fendre, cloche sucrée à faire fondre, couteau à lécher... le banquet devient un champ d’expérimentation du sucre et du verre dans le but de créer des scénarios de dégustation innovants.                                                       "Venez à présent découvrir mon banquet... "